Pour la 4e édition de Branche & Ciné, trois courts métrages ont été réalisés en coordination avec Cinéligue, Normandie Images et le dispositif Passeurs d’images et l’ACAP pôle régional image.
L’objectif a été de mobiliser diverses manières de penser la forêt, le cinéma. En entrant dans les coulisses de la réalisation de ces courtes fictions, ces ateliers ont permis à des enfants et à des jeunes de découvrir les métiers de la production audiovisuelle tout en développant leur imaginaire, leur sensibilité, leur regard sur le milieu forestier.
Atelier de l’ACAP et Bulldog en forêt de Retz dans l’Aisne
Un atelier de création de court métrage a été proposé par l’ACAP à 14 jeunes de 11 à 13 ans de l’Accueil Loisirs ATHOS à Villers-Cotterêts. Encadré par Mylène Kokel de l’association Bulldog, les jeunes ont pu, pendant une semaine, apprendre les étapes de création et d’écriture d’un court métrage (storyboard, dialogues, techniques de tournage) tourné en forêt domaniale de Retz. Dans leur film Déconnectons ! ils ont choisi d’évoquer la forêt comme un refuge.
Lieu de tournage Forêt de Retz (Hauts-de-France, Aisne)
Titre du court Déconnectons !
Synopsis Dans un monde où la lecture papier est en passe de devenir interdite, deux jeunes filles vont sauver la lecture et l’humanité. Où est-il plus agréable de se réfugier pour lire un bon livre ? En forêt pardi !
Durée 06’14
Atelier de Cinéligue en forêt de Mormal dans le Nord
Atelier organisé pendant 4 jours par CinéLigue Hauts-de-France, en partenariat avec la Communauté de Communes du Pays de Mormal, pour des adolescents de 14 à 19 ans.
Le stage a été encadré par Bruno Follet pour CinéLigue Hauts-de-France et Véronique Holgado pour la Communauté de Communes du Pays de Mormal.
Lieu de tournage Forêt de Mormal (Hauts-de-France, Nord)
Titre du court Trauma
Synopsis Deux adolescents en fuite, une jeune fille et son frère, courent à perdre haleine dans les profondeurs de la forêt…
Durée 12’42
Atelier de Normandie Images et de Passeurs d’images en forêt de Bord-Louviers dans l’Eure
Un atelier d’éducation aux images a été proposé aux jeunes de l’Établissement Pour l’Insertion Dans l’Emploi (EPIDE) de Val-de-Reuil sous la houlette d’Anne-Sophie Charpy chargée de mission dispositif Passeurs d’images à Normandie Images. Durant 4 jours, le réalisateur Pierre Quevaine et Sébastien Paporé, conseiller éducation et citoyenneté à l’EPIDE ont accompagné des jeunes à réaliser un court métrage en rapport avec la thématique du festival de cette année : “les créatures fantastiques et imaginaires de la forêt”…
À travers l’écriture, les apprentis scénaristes sont amenés à réfléchir, concevoir, créer, articuler un raisonnement logique pour parvenir à leurs fins : faire passer un message, porté par une histoire et des personnages originaux centrés sur l’univers forestier. Et à travers la production, les jeunes s’appliquent à traduire cette morale en images, tout en découvrant les différents métiers impliqués dans la production audiovisuelle : acteur, technicien (lumière, son), script, clap, accessoiriste, etc… L’an dernier, ils ont réalisé “Les arbres de demain”, un film engagé sur la préservation de la forêt. Cette année, ils reprennent cette idée tout en y intégrant une dimension surnaturelle…
Lieu de tournage Forêt de Bord-Louviers (Normandie, Eure)
Titre du court Esprit de Famille
Synopsis Étienne, un adolescent en conflit avec son père, quitte le domicile familial après une énième dispute houleuse. Avec pour seul bagage un sac à dos et un petit nécessaire de survie, il part trouver refuge dans la forêt pour prouver qu’il peut être autonome. Mais il disparaît dans d’étranges circonstances… Sa mère adoptive et sa sœur décident alors de partir à sa recherche. »
Durée 19’44
Entretien avec Pierre Quevaine, réalisateur pour Normandie Images
Depuis 2019, dans le cadre du festival Branche & Ciné, Pierre Quevaine coordonne avec des jeunes adultes d’une structure éducative, le centre EPIDE de Val-de-Reuil, la réalisation d’un court métrage tourné en grande partie en forêt domaniale de Bord-Louviers. Pendant 4 jours, il conçoit avec ces apprentis réalisateurs, acteurs, ingénieurs du son… un court métrage de l’écriture au tournage. L’équipe est accueillie en forêt par un garde forestier de l’ONF qui leur présente la forêt et les oriente éventuellement sur des lieux de tournage…
Pierre, combien d’ateliers avez-vous animés ?
Je travaille depuis 2019 avec le festival, dépêché par Normandie Images auprès de l’Epide pour organiser des ateliers d’écriture et de création cinématographique. Les jeunes participants des ateliers, environ 70 en tout, ont ainsi réalisé 4 courts métrages, projetés à chaque fois lors du festival.
Quelle connaissance ces jeunes ont-ils du cinéma, mais aussi de la forêt ?
Certains jeunes ont une bonne culture du cinéma ! Quant à la forêt, l’Epide est en lisière de la forêt de Bord ! Ils y pratiquent de nombreuses activités, sportives, mais aussi des ramassages d’ordures, de déchets plastiques. Ils y sont sensibles. Ce qu’ils ne connaissent pas ou peu, ce sont les métiers de la forêt, comment on fait pour la préserver, ses différentes fonctions. Chaque année, un garde forestier de l’ONF, François Launay, vient les rencontrer et leur en parler. Ils découvrent alors que les forestiers ne sont pas là uniquement pour préserver la forêt, mais aussi pour faire en sorte qu’elle produise du bois par exemple.
Ces ateliers forment de futurs cinéastes ou de futurs forestiers ?
Je n’ai pas vraiment de retour à ce niveau. Ces ateliers sont une double découverte pour eux, à la fois du cinéma et de la forêt. Tous participent à l’écriture du scénario. Ils découvrent ensuite les métiers techniques du cinéma, comme le son, l’image. Plusieurs jeunes ont des compétences en dessin, en animation. Les plus graphistes d’entre eux créent l’affiche du court-métrage qu’ils réalisent.
Le public de ces ateliers est celui de décrocheurs scolaires, ils sont dans la réinsertion professionnelle et ont des inspirations plutôt pratiques. Aussi, si cela ne génère pas de vocation de forestier, à chaque fois les rencontres avec l’ONF suscitent beaucoup de curiosité et ces métiers leur paraissent plus accessibles que ceux du cinéma.
Pourquoi filmer en forêt ? Ce n’est pas ce qu’il y a de plus pratique !
Dans la région la forêt est très importante. Moi-même, j’ai grandi en ayant toujours de la forêt à côté de chez moi. Ce qui motive le travail sur la forêt, c’est la conscience écologique partagée par les jeunes. Pas de climatosceptiques chez eux ! L’année dernière, alors que le thème était les forêts d’Afrique, ils ont été choqués en discutant avec François [le technicien forestier] d’apprendre que près de 50% de la forêt normande allait disparaître à cause du changement climatique. Ils ont alors imaginé un film d’anticipation sur la forêt des années 2050. Le tournage s’est terminé dans les serres exotiques du jardin des plantes de Rouen ! Ils ont même travaillé sur le concept d’îlot d’avenir et fait un lien entre ces projets qui expérimentent des arbres venus d’ailleurs et les problèmes de racisme…
Au final, la forêt est à la fois un bon terrain d’apprentissage du cinéma, mais aussi une vraie difficulté, avec tous ses bruits : les feuilles quand on marche, où le bruit d’une tronçonneuse lorsqu’il y a des travaux. Mais le plaisir d’être en forêt est important et crée une responsabilité supplémentaire. On ne laisse pas de détritus, on préserve cet environnement qui forme un très beau décor naturel, à portée de main.
Ont-ils été inspirés par le thème de l’édition 2022, sur les créatures fantastiques ?
Très ! Ils avaient une bonne connaissance des créatures imaginaires qui peuplent la forêt.
Mais le tournage se déroule vite et on ne peut pas faire beaucoup d’effets spéciaux, ou des maquillages réalistes. Il a fallu revoir certaines exigences à la baisse et dire adieu aux Ents, aux trolls des forêts, aux centaures, etc. Ils se sont concentrés sur l’invisible et ont imaginé l’histoire d’un esprit protecteur de la forêt… celui d’un garde forestier mort il y a bien longtemps. Ils ont créé un personnage nuancé qui protège, mais aussi punit les humains qui troublent l’équilibre de la forêt. Avec cette créature qu’on ne voit pas, ils ont conçu un court-métrage fantastique, réaliste et réalisable.
Plus largement, diriez-vous que la forêt les inspire ?
Je me souviens d’une anecdote. Nous étions en repérage, lors de la première édition des ateliers en 2019. Nous arrivons dans une très belle clairière… et là une quantité dingue de bouteilles et de détritus, ça avait été un lieu de picole incroyable ! Les jeunes ont été très touchés et même énervés en découvrant ça. Ils se sentaient investis d’une mission de protection de la forêt. L’un d’eux a eu l’idée de faire parler les détritus et de leur donner une personnalité, créant un sentiment de culpabilité qui fait écho à l’absurdité du comportement humain. Résultat, cet épisode a été la première scène imaginée pour le court métrage conçu cette année-là, le tout premier film réalisé dans le cadre de la collaboration avec le festival Branche & Ciné.